Le 17 janvier, trois jours avant son investiture, Barack Obama, poursuivant une pratique désormais bien établie, envoie une vidéo aux millions d'Américains qui s'étaient enregistrés sur son site Internet de campagne. Il annonce que le mouvement militant qui s'était créé dans tout le pays pour soutenir sa candidature ne doit pas se dissoudre. Il faut au contraire le pérenniser et l'élargir, pour soutenir les réformes que le gouvernement va lancer en matière d'assurance-santé, d'énergie et de lutte contre le chômage : 'Je vous demande, à vous et à ceux qui, comme vous, se sont battus pour le changement pendant la campagne, de continuer à vous battre pour le changement dans votre communauté.' Le texte d'accompagnement conserve le ton intime et familier qui avait si bien fonctionné pendant la campagne, appelant chacun par son prénom, et est signé simplement 'Barack'.
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Six jours plus tard, dans une nouvelle vidéo sur YouTube, deux responsables du Parti démocrate annoncent que l'appareil de campagne se transforme en une entité permanente, baptisée Organizing for America. Elle disposera de sa propre équipe, hébergée au siège du parti à Washington.
La tâche est immense, car ce projet n'a pas de précédent. Cela dit, l'équipe d'Organizing for America ne part pas de zéro. Elle dispose de l'arsenal des nouveaux outils Internet créés et rodés pendant la campagne électorale, et prêts à reprendre du service.
Au coeur du dispositif, une société privée, Blue State Digital, agence Internet d'un nouveau genre créée en 2004 par des jeunes militants démocrates technophiles. Dès janvier 2007, le candidat Obama sous-traita à Blue State Digital la plus grande partie des activités Internet de sa campagne. La direction du secteur Nouveaux Médias fut confiée à l'un de ses fondateurs, Joe Rospars, 25 ans à l'époque, qui amena avec lui plusieurs de ses employés. L'équipe compta bientôt une centaine de membres, en partie issus des firmes de la Silicon Valley et des grands médias.
Grâce à la plate-forme technique mise en place par ses jeunes recrues, Obama récolta sur Internet plus de 6 millions de dons, totalisant près de 500 millions de dollars. Le candidat utilisa aussi Internet pour s'adresser directement au peuple américain, en court-circuitant les médias classiques : il diffusa un flot continu de courriels personnalisés (1,2 milliard au total) et plus de 1 800 séquences vidéo YouTube, dont beaucoup tournées spontanément par les militants et envoyées au QG de campagne. Par ailleurs, l'équipe des Nouveaux Médias a suscité des débats sur de nombreux blogs et les principaux réseaux sociaux, y compris les plus ludiques comme MySpace ou Twitter. On introduisit ainsi une dose d'esprit participatif 'Web 2.0' dans une campagne par ailleurs très centralisée et disciplinée.
A l'automne 2008, l'équipe d'Obama disposait ainsi d'une base de données contenant les coordonnées de plus de 13 millions de militants et sympathisants. En parallèle, un autre cofondateur de Blue State Digital, Ben Self, 31 ans, diplômé d'informatique du Massachusetts Institute of Technology (MIT), s'était installé au siège du Parti démocrate pour constituer une autre base de données, baptisée 'Vote Builder'. Ben et son équipe ont mis en forme et indexé les listes électorales de chacun des 50 Etats, soit 180 millions d'électeurs. Puis, ils les ont enrichies avec un ensemble de renseignements sur chaque électeur, nom, adresse, âge, appartenance politique, profession, revenus, patrimoine. Ils se firent aider par des entreprises spécialisées qui collectent en permanence ce type de données sur la population pour le compte des sociétés de cartes de crédit.
En croisant la base de données des électeurs et celle des militants, l'équipe Internet d'Obama a inventé un outil inédit : 'Dès qu'un nouveau militant s'inscrit sur notre site, explique Ben Self, nous le mettons en contact avec d'autres militants proches de chez lui, pour qu'il entre dans un groupe, assiste à un événement, tisse des nouveaux liens. Puis nous lui envoyons une liste d'une vingtaine de citoyens non engagés. Sa mission est d'aller les voir, ou de les inviter chez lui, et de leur parler de notre cause.'
Si, par exemple, le militant est un ancien combattant, le système sélectionnera pour lui d'autres anciens combattants dans son quartier : 'Il saura trouver les mots justes pour leur parler.' Ensuite, il devra renvoyer dans le système les renseignements obtenus au cours des entretiens, afin d'enrichir les profils de la base de données : 'Aujourd'hui, nous savons qui vote pour notre camp, ou non, et pourquoi.' La direction des Nouveaux Médias estime avoir suscité la création de 35 000 groupes locaux et 200 000 événements.
Avec le lancement de Organizing for America, ce système vient de trouver son second souffle. Première conséquence : les jeunes pros de l'Internet qui ont animé la campagne d'Obama vont de facto être intégrés à la nouvelle équipe dirigeante. Ceux qui avaient quitté provisoirement Google ou Facebook sont rentrés sur la Côte ouest, mais gardent des liens multiples avec l'équipe en place. D'autres ont débarqué à Washington, bien décidés à se faire embaucher par le Parti démocrate, l'administration ou une société sous-traitante. La presse américaine a déjà trouvé un nom à cette nouvelle vague de jeunes gens pressés : la 'clicocratie'.
Le travail ne devrait pas manquer, car Obama compte sur eux pour réaliser l'une de ses grandes promesses de campagne : la 'transparence' de son gouvernement, qui n'était pas le point fort de la précédente administration. Le lendemain de son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président a publié deux mémorandums. Le premier ordonne à l'administration fédérale de publier systématiquement et rapidement tous les documents susceptibles d'intéresser les citoyens, en utilisant au mieux les 'nouvelles technologies'. Jusqu'à présent, ce gigantesque travail de documention électronique était souvent accompli hors du gouvernement par des réseaux militants 'techno-politiques' et des organismes comme la Sunlight Foundation, qui a créé des dizaines de sites Web contenant des masses de documents officiels théoriquement publics, mais en pratique très difficiles à obtenir pour un simple citoyen - à commencer par les relations entre les membres du Congrès et les lobbies. Le président Obama a d'ailleurs repris à son compte la devise de cette fondation : 'On dit que la lumière du soleil est le meilleur désinfectant.' Ses dirigeants espèrent qu'à présent leur tâche sera moins ardue." (lire la suite)
lundi 16 février 2009
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