lundi 15 décembre 2008

Tolerance.ca® - Canada. Lettre d'un détenu de la prison de Bordeaux à Omar Khadr, prisonnier à Guantanamo

par Rollo, un Souverain anonyme.

Le 10 décembre 2008, on célèbre le 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l’Homme. Alors, j’ai décidé de rendre hommage à cette Déclaration à ma façon. J’aimerais adresser une lettre à un homme détenu dans une prison que les Américains appellent Guantanamo. Ils auraient pu l’appeler aussi ‘’l’Enfer sur terre’’. Voici donc ma lettre à Omar Khadr.

Cher Omar,

À l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, j’aurais pu choisir d’écrire à un prisonnier politique pour dénoncer un de ces régimes sanguinaires qui tuent toute liberté d’opinion. Un de ces régimes où des opposants politiques sont arrêtés, torturés et souvent condamnés à la prison à vie. J’ai préféré plutôt m’adresser à toi. Parce que pour moi, tu es devenu malgré toi un prisonnier politique.




Ton crime c’est d’être un canadien qui ne porte pas ‘’le bon nom’’. Un nom comme Tremblay, Bouchard, Mulroney ou Trudeau. Ton crime, c’est aussi d’être le fils d’un père qui t’as enrôlé dans une guerre d’adultes alors que tu n’avais que 11 ans. Tu avais 15 ans lorsque les américains t’avaient arrêté en Afghanistan. Selon certaines conventions internationales sur l’enfant soldat dont le Canada est signataire, on devrait te protéger au lieu de t’emprisonner. Il paraît que tu as même fait l’objet d’une certaine torture à Guantanamo.

Quand je pense que malgré toutes ces informations, le premier ministre canadien n’a pas bougé le petit doigt pour t’apporter assistance. Je pense à tous ces immigrants du Canada qui ont quitté leur pays d’origine pour s’installer au Canada avec l’espoir de se sentir mieux respecté dans leur droit. Je pense à ma propre mère qui a fui la misère d’Haïti pour offrir à moi et ma sœur un avenir meilleur.

Ton père est mort, moi c’est ma mère qui est morte. Je les imagine en train de nous regarder de là haut, toi à Guantanamo, moi à Bordeaux. Regrettent-ils d’avoir décidé un jour de faire immigrer leurs familles au Canada ? J’espère que non. Parce que j’ai espoir que très bientôt tu rentreras chez-toi et tu retrouveras ta mère. Je sais qu’elle te manque beaucoup. J’ai aussi espoir que la Justice canadienne te blanchira de toutes les accusations. Peut-être même que tu seras indemnisé par quelques millions de dollars. Mais quelques soit le montant de l’indemnisation auquel tu auras droit, ça ne te redonnera pas l’enfance volée.

Mon cher Omar. C’est à partir de ma cellule de la prison de Bordeaux à Montréal que j’ai pris le temps de t’écrire ces quelques lignes pour te dire que je ne t’oublie pas. Que nous sommes des milliers de canadiens à penser à toi. Que plusieurs manifestations et pétitions ont été organisées pour exiger du Gouvernement canadien de te rapatrier chez-toi au Canada.

Depuis la publication des images de l’interrogatoire que tu as subi à Guantanamo par des agents de renseignements canadiens, tout le monde a parlé de toi. Tout le monde trouve inacceptable que tu sois le seul détenu ressortissant d’un pays occidental qui n’est pas encore rapatrié chez-lui. Si le Premier Ministre canadien t’oublie, le Canada ne t’oublie pas. D’ailleurs, chacun des 30 articles de la Déclaration universelle des Droits de l’homme te protège.

Un des rédacteurs de cette Déclaration est un canadien. Il s’appelle John Humphrey. 60 ans auparavant, cet homme a pensé à toi quand il a écrit le premier article de la Déclaration ‘’Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité’’. Apparemment Monsieur Stephen Harper, Premier Ministre du Canada ne comprend le sens du mot fraternité. Heureusement tous les canadiens ne sont pas comme lui.

Cher Omar, à ta sortie de Guantanamo, je me promets de faire un clin d’œil au ciel. À ton père et à ma mère. Quand à moi, je ne suis que de passage à Bordeaux. Ça sera mon dernier passage, j’ai une fille à nourrir et à aimer. Je ne me plains pas puisque je connais ma date de sortie.

Patience mon frère. ’’Dieu est avec la patients’’.
Ton ami Rollo.
Un Souverain anonyme

Un détenu de la prison de Bordeaux (à Montréal) s'adresse à un autre détenu à Guantanamo à l'occasion du 60 me anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, dans le cadre de l'émission radiophonique Souverain anonymes consacrée aux détenus de la prison de Bordeaux..

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