lundi 24 novembre 2008

Le goût du risque est-il sexué ?

Nicolas Journet

Les Masaïs vivent au Kenya, ce sont des éleveurs traditionnels de bétail, et l’ordre, chez eux, est plutôt patriarcal : les hommes possèdent les troupeaux et les enfants, les épouses – souvent plusieurs – vivent chez le mari, sous son autorité. Les Khasis vivent dans le Nord-Est de l’Inde, et chez eux l’appartenance sociale, la résidence et l’héritage sont transmis par les femmes. Cette différence culturelle a-t-elle un rapport avec les rôles et les comportements typiques de chacun des sexes ? La question pouvait être posée car elle apporte peut-être des arguments au problème de l’égalisation de la condition féminine en Occident. Certaines théories soutiennent en effet que si les femmes occupent en moyenne des postes moins élevés, c’est qu’elles ont moins de goût pour la compétition et la prise de risque. Admettons, mais d’où viendrait cela ? D’une sorte de penchant féminin universel ou de l’environnement ?
Trois chercheurs ont, avec un soin vétilleux d’expérimentalistes, mis au point un petit test qu’ils ont appliqué à des dizaines de Masaïs et de Khasis des deux sexes équitablement choisis. Le principe est simple : préférez-vous jouer seul et gagner peu, ou jouer contre autrui pour trois fois plus mais risquer de perdre à cause de l’adversaire ? Les résultats obtenus montrent un goût du risque qui n’est pas réparti de la même manière chez les Masaïs et les Khasis.
En effet, ont choisi la seconde solution :

Masaïs Khasis
Hommes 50% 39%
Femmes 26% 54%

Commentaire  : les femmes ont moins l’esprit de compétition que les hommes dans une société patriarcale (Masaïs), et les hommes moins que les femmes dans une société à tendance matriarcale (Khasis).
Ce petit jeu plaide donc pour la reconnaissance du poids de l’environnement social dans la conformation des rôles de sexe, sans pour autant exclure que leur transmission soit biologique, ce qui est une autre histoire. La leçon tirée par les chercheurs est la suivante : ce n’est pas en abaissant le niveau de compétition (diplômes, marché du travail) que l’on améliorera les positions féminines en Occident, mais plutôt en uniformisant les contenus de l’éducation et de la socialisation délivrés aux deux sexes. Ça se discute, évidemment.



Uri Gneezy, Kenneth L. Leonard et John A. List, « Gender differences in competition: Evidence from a matrilineal and a patriarchal society », NBER Working Paper, n° 13 727, janvier 2008.

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